♥ Un Lieu Sûr ♥
de Barbara Gowdy
Mon résumé :
Bourbe est une jeune éléphante
qui vient d'atteindre l'âge adulte. Sa vie d'Elle-là (l'espèce éléphantine)
dans sa famille d'adoption s'écoule dans la peur. La peur des Patt'arrière
(humains) qui massacre de plus en plus de familles. Qui plus est la plus dure sécheresse depuis
des dizaines d'années commence à sévir. L'eau et la nourriture commencent à se
faire rares. Mais il y a peut-être un espoir. Une rumeur se répand, celle
du Lieu sûr, un paradis loin de la peur et des massacres...
Mon avis :
- Un vrai coup de coeur !
- Ce livre est extraordinaire
vraiment. On pénètre dans ce monde animal non par les humains, mais par les
éléphants eux-mêmes. La réalité des massacres et la difficulté du climat rend
ce récit tragique, et pourtant il y a toujours une lueur d'Espoir.
- Barbara Gowdy a su créer tout un
monde. Chaque espèce à un vocabulaire, une vision du monde et des croyances qui
leurs sont propres. Même si parfois cela paraît un peu trop humain, mais après
tout que savons de la manière dont les animaux appréhendent le monde.
- L'auteur nous aide en nous
donnant les arbres généalogiques des principales familles. Ce qui permet de s'y
retrouver plus facilement. Il y a aussi un glossaire du langage des Elles-là.
Car durant le livre, tous ne sont pas expliqués.
- J'ai trouvé tout de même le
vocabulaire parfois un peu trop cru, mais cela ne m'a pas trop dérangé et donne
une autre perception à l'histoire.
Prologue :
"S'ils vivent assez
longtemps, ils oublient tout.
La plupart d'entre eux ne vivent
pas si longtemps. Neuf sur dix sont massacrés dans leur jeune âge, des dizaines
d'années avant que leur mémoire commence à s'assécher. Je parle donc de la
majorité quand je dis que ce qu'on raconte est vrai : ils n'oublient
jamais.
Eux pensent que c'est à cause de
leur taille. Certains vont jusqu'à prétendre que sous ce cumulonimbus de chair
et cette énorme et ondulante ossature, ils sont de la mémoire. Oui,
ils renferment la mémoire, mais ce que l'on sait peut-être moins c'est
que sans elle ils sont perdus. Quand leur mémoire commence à s'assécher, leur
corps va à son déclin, comme par un lent écoulement du sang.
Mais auparavant chaque odeur
qu'ils ont aspirée par la trombe, chaque éclat de soleil qu'ils ont éteint de
leur ombre formidable est conservé en eux sous forme d'un instant parfait et
accessible à tout moment. Ils demandent rarement : Te souviens-tu ? Se
souvenir, cela va de soi. Remarquer, c'est différent. As-tu senti cela ?
L'as-tu vu ? demandent-ils.
Ils voient mieux que vous ne
pouvez l'imaginer. Ne croyez pas ce que l'on raconte, qu'ils sont presque
aveugles. Ils contemplent l'horizon, discernent ce qui s'y trouve et,
contrairement aux carnivores, ne sont jamais éblouis par une bande de zèbres en
mouvement. Si le troupeau est assez proche, ils les distinguent les uns des
autres, les reconnaissant à leurs seuls rayures après les avoir simplement
entrevus des années plus tôt. La teneur exacte du vent qui ce jour-là mugissait
dans les acacias, la façon dont le soleil dégringolait à travers le feuillage
accompagnent le souvenir, sont revécus, et l'on peut
désormais s'appesantir sur ce qui, à l'époque, était passé presque
inaperçu.
Supposez que par là-bas de
poudreuses vagues de sel s'étaient élevées en un tourbillon. Dans le souvenir
ils peuvent tourner les yeux vers les vagues et réfléchir à ce
phénomène, le fond d'un lac qui rêve à son lac perdu.
Ce qui peut déclencher leurs
larmes. Ils sont sentimentaux au point qu'on pourrait les dire larmoyants. Même
les grands mâles. Un deuil, un désir ardent leur brise le cœur. "
390 pages
Editions Actes Sud
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