jeudi 16 octobre 2014

Un Lieu sûr

 Un Lieu Sûr 
de Barbara Gowdy

Mon résumé :
Bourbe est une jeune éléphante qui vient d'atteindre l'âge adulte. Sa vie d'Elle-là (l'espèce éléphantine) dans sa famille d'adoption s'écoule dans la peur. La peur des Patt'arrière (humains) qui massacre de plus en plus de familles. Qui plus est la plus dure sécheresse depuis des dizaines d'années commence à sévir. L'eau et la nourriture commencent à se faire rares. Mais il y a peut-être un espoir. Une rumeur se répand, celle du Lieu sûr, un paradis loin de la peur et des massacres...

Mon avis : 
- Un vrai coup de coeur !
- Ce livre est extraordinaire vraiment. On pénètre dans ce monde animal non par les humains, mais par les éléphants eux-mêmes. La réalité des massacres et la difficulté du climat rend ce récit tragique, et pourtant il y a toujours une lueur d'Espoir. 
- Barbara Gowdy a su créer tout un monde. Chaque espèce à un vocabulaire, une vision du monde et des croyances qui leurs sont propres. Même si parfois cela paraît un peu trop humain, mais après tout que savons de la manière dont les animaux appréhendent le monde. 
- L'auteur nous aide en nous donnant les arbres généalogiques des principales familles. Ce qui permet de s'y retrouver plus facilement. Il y a aussi un glossaire du langage des Elles-là. Car durant le livre, tous ne sont pas expliqués.
- J'ai trouvé tout de même le vocabulaire parfois un peu trop cru, mais cela ne m'a pas trop dérangé et donne une autre perception à l'histoire.

Prologue : 
"S'ils vivent assez longtemps, ils oublient tout.
La plupart d'entre eux ne vivent pas si longtemps. Neuf sur dix sont massacrés dans leur jeune âge, des dizaines d'années avant que leur mémoire commence à s'assécher. Je parle donc de la majorité quand je dis que ce qu'on raconte est vrai : ils n'oublient jamais. 
Eux pensent que c'est à cause de leur taille. Certains vont jusqu'à prétendre que sous ce cumulonimbus de chair et cette énorme et ondulante ossature, ils sont de la mémoire. Oui, ils renferment la mémoire, mais ce que l'on sait peut-être moins c'est que sans elle ils sont perdus. Quand leur mémoire commence à s'assécher, leur corps va à son déclin, comme par un lent écoulement du sang. 
Mais auparavant chaque odeur qu'ils ont aspirée par la trombe, chaque éclat de soleil qu'ils ont éteint de leur ombre formidable est conservé en eux sous forme d'un instant parfait et accessible à tout moment. Ils demandent rarement : Te souviens-tu ? Se souvenir, cela va de soi. Remarquer, c'est différent. As-tu senti cela ? L'as-tu vu ? demandent-ils.
Ils voient mieux que vous ne pouvez l'imaginer. Ne croyez pas ce que l'on raconte, qu'ils sont presque aveugles. Ils contemplent l'horizon, discernent ce qui s'y trouve et, contrairement aux carnivores, ne sont jamais éblouis par une bande de zèbres en mouvement. Si le troupeau est assez proche, ils les distinguent les uns des autres, les reconnaissant à leurs seuls rayures après les avoir simplement entrevus des années plus tôt. La teneur exacte du vent qui ce jour-là mugissait dans les acacias, la façon dont le soleil dégringolait à travers le feuillage accompagnent le souvenir, sont revécus, et l'on peut désormais s'appesantir sur ce qui, à l'époque, était passé presque inaperçu.
Supposez que par là-bas de poudreuses vagues de sel s'étaient élevées en un tourbillon. Dans le souvenir ils peuvent tourner les yeux vers les vagues et réfléchir à ce phénomène, le fond d'un lac qui rêve à son lac perdu. 
Ce qui peut déclencher leurs larmes. Ils sont sentimentaux au point qu'on pourrait les dire larmoyants. Même les grands mâles. Un deuil, un désir ardent leur brise le cœur. "

390 pages 
Editions Actes Sud

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